La palme de la colère ne s’éteindra pas

Bravo à Justine Triet, Palme d’Or du 76e festival international du film de Cannes !

Quel enthousiasme d’apprendre la nouvelle, puis d’entendre son discours engagé contre une réforme injuste des retraites, et pour la sauvegarde de l’exception culturelle française !

Mais on a vite déchanté.

Elle était la 3e femme à recevoir ce prix, 3e en 76 éditions. Après Julia Ducournau et Jane Campion qui de surcroît avait partagé la palme d’or ex-aequo avec Chen Kaige.

Ensuite son discours engagé lui a valu une pluie de critiques. La première est venue d’une ministre, avec un procès en ingratitude. Comme si bénéficier de fonds publics induisait la perte de son expression, le droit de critique ou d’affirmer un positionnement politique. Les pays et régimes qui bâillonnent la parole et l’opinion ne sont pas des démocraties, encore moins des pays où la création culturelle et artistique est libre.

Pour les millions de françaises et français qui se mobilisent contre la réforme des retraites dans l’indifférence la plus totale du gouvernement, entendre ce discours d’une réalisatrice à la tribune était salutaire. 

Ensuite, des questionnements sont venus sur son salaire. Non mais quelle ingrate, elle est en France et a la chance de pouvoir créer et faire des films, gagner de l’argent et en plus elle vient se plaindre.

Dans notre monde sexiste, apparemment être une femme qui prend la lumière, gagne de l’argent et en plus exprime une opinion publique pose problème.

Chère Justine, nous, militantes féministes, nous savons reconnaître – contrairement au Président dont les félicitations se font toujours attendre – la grande valeur de votre contribution au matrimoine. La cause des femmes ne manque jamais de porte-parole et nous sommes fières et reconnaissantes que vous changiez le monde. Recueillir dans son âme la colère des victimes de la domination masculine et des forces de l’argent, c’est s’exposer à tant de vents contraires. 

C’est continuer le bras de fer sans fin avec les tenants de l’ordre établi et des femmes muettes.

Nous le savons. Nous savons comme la colère est salutaire et inspirante. Nous savons que votre colère est de celles que l’ingratitude et le sexisme ne peuvent éteindre. 

Merci madame ! Ne cessez jamais de vous exprimer, nous avons besoin de continuer à vous entendre.

Yasmine El Jaï et Yseline Fourtic – Dutarde.

Partager ce contenu