Manifeste pour une Europe féministe, juste et égalitaire en 2024 !

La CLEF et les associations féministes signent un manifeste à l’attention des candidates et candidats aux élections européennes du 9 juin 2024, avec 15 recommandations pour une Europe féministe.

Préambule.

L’Union européenne a un rôle essentiel à jouer dans la défense des droits des femmes, que ce soit pour faire progresser les droits économiques et sociaux ou protéger les droits sexuels et reproductifs. La non-discrimination et l’égalité entre les femmes et les hommes font partie des valeurs fondatrices de l’Union européenne, comme le rappellent les Traités. Alors que des gouvernements réactionnaires imposent en silence, leur conception rétrograde de la place des femmes dans la société et que le droit à l’IVG est menacé dans plusieurs pays, il est essentiel de se mobiliser dans le cadre des élections européennes 2024. L’Union européenne doit être un bouclier contre la remise en cause des droits des femmes, première cible de l’extrême-droite au pouvoir.

Comme au niveau national, la présence des femmes dans les instances de décisions et assemblées politiques est susceptible de faire progresser leurs droits : si les femmes politiques sont loin d’être toutes féministes, les féministes qui font avancer ces combats se trouvent d’abord parmi les femmes. A cet égard, les listes aux élections européennes sont obligatoirement paritaires. Pour autant, nous souhaitons attirer l’attention des partis sur les têtes de liste choisies, qui ont un impact sur le nombre de femmes élues, et sur les éventuelles fusions de liste qui ont tendance à sacrifier d’abord les femmes.

C’est avec l’inclusion de toutes les femmes, quels que soient leurs statuts migratoires, leurs origines, leur état de santé ou handicap, leur âge, leur orientation sexuelle, leur lieu de vie, leurs croyances et convictions, leur occupation, et de leur expertise que nous pourrons trouver des solutions adéquates et conduire une transition sociale, économique et environnementale juste.

Ce manifeste met en lumière les analyses et recommandations élaborées dans le cadre des élections européennes 2024.

Nos préconisations s’articulent autour de 5 domaines :

1. L’égal accès de toutes les femmes aux droits économiques, sociaux et politiques

2. La lutte contre les violences patriarcales à l’égard de toutes les filles et les femmes

3. La paix et la sécurité

4. Les nouvelles technologies

5. L’écologie et le climat

Pour un égal accès des femmes aux droits économiques, sociaux et politiques.

« L’égalité des genres ne doit pas être un objectif lointain pour l’Union européenne, mais une réalité quotidienne. Nous devons travailler sans relâche pour combler les écarts et éliminer les discriminations. »

– Malala Yousafzai, militante pour l’éducation des filles et lauréate du prix Nobel de la paix.

Les femmes sont les premières à être pénalisées par l’affaiblissement de l’État social et la disparition des services publics, un des axes principaux des réformes néolibérales menées dans nos sociétés depuis les années 1980. Les services publics contribuent à l’émancipation des femmes et leur affaiblissement les pénalise en premier lieu, elles qui demeurent en moyenne plus précaires.

La répartition inégalitaire des tâches domestiques, familiales et éducatives pèse sur la carrière des femmes…

RECOMMANDATIONS:

– Intégrer et renforcer la dimension d’égalité femmes-hommes de manière transversale dans tous les instruments politiques de l’UE.

– Mettre à disposition les ressources et les outils nécessaires à la participation effective des femmes porteuses de handicap et des organisations qui les représentent aux affaires publiques de l’UE, y compris à la préparation et à la négociation des lois et des initiatives de l’UE, ainsi qu’au prochain budget de l’UE.

– Réviser la directive sur la transparence salariale pour agir sur les discriminations structurelles qui expliquent les inégalités de revenus entre femmes et hommes.

– Promouvoir des politiques européennes visant à éradiquer le travail précaire et le travail à temps partiel involontaire afin d’améliorer la situation des femmes sur le marché du travail.

– Intégrer les questions de pauvreté dans la future stratégie sur l’égalité de genre (2025 – 2029).

– Réviser la législation existante de l’UE (par exemple, la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée) pour renforcer la protection des parents isolés, essentiellement des mères, qui occupent souvent des emplois précaires.

– Élaborer des mesures proactives au titre du Fonds social européen et du Fonds européen agricole pour le développement rural, afin d’encourager l’emploi des femmes, de leur garantir un accès plus aisé aux services sociaux et de favoriser le développement socio-économique en zone rurale.

– Assurer que la Commission européenne prenne des mesures pour garantir que l’UE ratifie la Convention 189 de l’OIT sur le travail décent pour les travailleur·ses domestiques et la protection des droits des femmes migrantes travaillant dans les secteurs domestiques et de soins.

– Faire du secteur des soins et des métiers du lien, dont les travailleur·ses précaires sont majoritairement des femmes, une priorité pour l’UE dans les prochaines années. Des investissements importants sont nécessaires dans ce secteur afin d’assurer l’égal accès à des services de santé de qualité quel que soit le sexe, le statut migratoire, l’âge, le handicap, la religion ou les convictions et l’orientation sexuelle, conformément à l’article 35 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Lutte contre les violences patriarcales contre les filles et les femmes.

« Les violences faites aux femmes sont une violation flagrante des droits humains. L’Union européenne doit redoubler d’efforts pour lutter contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes et assurer une protection adéquate pour les survivantes. »

– Cecilia Malmström, ancienne commissaire européenne chargée des Affaires intérieures.

Les violences contre les filles et les femmes demeurent une préoccupation majeure dans l’Union européenne. Des formes de violence persistante, telles que la violence domestique, les agressions sexuelles, le harcèlement en ligne et hors ligne, ainsi que la prostitution et la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle continuent d’affecter des millions de femmes et de filles à travers l’Union européenne. Ces violences ont des répercussions dévastatrices sur la vie des victimes, sapant leur santé physique, sexuelle  et mentale, compromettant leur autonomie et limitant leur participation pleine et égalitaire dans la société. Malgré les efforts déployés pour prévenir et combattre ces violences, des actions concertées au niveau de l’UE et des États membres sont nécessaires pour garantir la protection, le soutien et la justice pour toutes les filles et les femmes.

RECOMMANDATIONS:

– Contrôler la mise en œuvre de l’adhésion de l’UE à la convention d’Istanbul de manière transparente et efficace.

– Adopter des mesures pour harmoniser la collecte de données sur la violence à l’égard des femmes et des filles dans les États membres de l’UE. Ces données doivent a minima être ventilées en fonction du sexe et de l’âge des victimes et auteurs des violences.

– Réaliser une enquête à grande échelle, dans toute l’Europe, sur la violence à l’égard des femmes handicapées afin de déterminer la situation réelle à laquelle elles sont confrontées et d’élaborer et d’adopter une législation et des politiques globales pour la combattre.

– Reconnaître les mécanismes sous-jacents spécifiques de la violence à l’égard des femmes et les crimes qui affectent les femmes et les filles de manière disproportionnée, tels que la violence sexuelle, l’inceste et la pédocriminalité, la prostitution, la traite à des fins d’exploitation sexuelle, le mariage forcé, l’exploitation reproductive, les mutilations sexuelles féminines ou le fémicide, et réviser les directives existantes en conséquence, en s’éloignant de la « perspective aveugle au genre » ancrée dans la plupart d’entre elles.

– Prévoir des mesures renforcées pour protéger les femmes handicapées de toutes sortes de violences et des peines aggravées pour les auteurs.

– Légiférer sur la création de restrictions spécialisées pour obliger les plateformes numériques à retirer les contenus pédopornographiques, ainsi que d’autres formes de contenus illégaux dans les plateformes pornographiques (violence sexuelle filmée, torture, etc.). Ces mesures doivent inclure des dispositions visant à garantir la responsabilité des plateformes et des fournisseurs d’accès à Internet.

– Mettre en place un Plan européen de lutte contre les violences sexistes et sexuelles sur le lieu de travail.

– Renforcer la lutte contre la cyberviolence dont sont victimes les femmes militantes, journalistes et politiques.

– Reconnaître la Gestation Pour Autrui – GPA – comme une forme de violence reproductive infligée aux femmes.

– Criminaliser la stérilisation forcée, qui impacte notamment les femmes porteuses de handicap.

Paix et sécurité.

« L’égalité entre les hommes et les femmes est une valeur fondamentale de l’Union européenne. Nous devons continuer à œuvrer pour une société plus inclusive et équitable. »

– Federica Mogherini, ancienne Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

Le volet paix et sécurité est un aspect important de la politique étrangère de l’Union européenne. Il est crucial de le mettre correctement en œuvre et d’adopter une politique montrant la solidarité de l’UE avec les femmes du monde entier. Les filles et les femmes sont les premières victimes des situations de conflits, ciblées notamment par les viols comme arme de guerre et la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle et reproductive quand elles sont réfugiées ou déplacées.

RECOMMANDATIONS:

– Favoriser et budgétiser la culture de la paix sur les moyens et longs termes.

– Veiller à l’inclusion des femmes et des organisations de défense des droits des femmes dans les processus décisionnels, à tous les niveaux (les négociations de paix, la construction et consolidation de la paix…).

– Réaliser une évaluation des politiques de reconstruction afin d’évaluer l’impact sur l’égalité des sexes et les droits des femmes.

– Prendre des mesures pour prévenir l’exploitation sexuelle et reproductive (y compris la prostitution) notamment des filles et des femmes réfugiées, déplacées, en zone de conflit, potentielles cibles de réseaux de traite des êtres humains et de proxénétisme.

– Développer la reconnaissance, la prise en compte, la condamnation et la sanction des violences sexuelles comme arme de guerre, à partir des constats documentés maintenant disponibles concernant ces crimes perpétrés notamment au Rwanda, en Ukraine et le 7 octobre en Israël.

– Faire un plan d’action au niveau européen pour les conflits armés qui ont un impact particulièrement dévastateur sur les femmes porteuses de handicap parce qu’elles sont davantage ciblées. Elles sont confrontées à un risque disproportionné d’abandon, de violence et de mort sur le lieu de conflit. Les enfants handicapés sont exposés aux abus et négligences.

Nouvelles technologies.

« Les nouvelles technologies offrent un potentiel immense pour l’autonomisation des femmes en Europe. L’UE doit veiller à ce que l’accès aux technologies numériques soit équitable et favorise l’inclusion des femmes dans l’économie numérique. »

– Mariya Gabriel, commissaire européenne chargée de l’Innovation, de la Recherche, de la Culture, de l’Éducation et de la Jeunesse.

La faible participation et l’inclusion marginale des femmes dans la programmation et la conception, notamment des technologies d’IA et d’apprentissage automatique, entraînent la reproduction de stéréotypes. Ce phénomène est souligné par le récent rapport d’initiative de la commission parlementaire AIDA. L’amendement 673 du rapport souligne l’importance de permettre l’accès des filles aux carrières STEM afin d’éradiquer l’écart entre les sexes dans ce domaine.

RECOMMANDATIONS:

– Systématiquement intégrer une approche respectueuse des droits des femmes dans l’élaboration des politiques et des réglementations en matière de nouvelles technologies et d’intelligence artificielle.

– Investir dans des programmes ciblés afin d’accroître les possibilités de participation des filles et des femmes dans les disciplines des sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STEM), et des disciplines liées aux technologies de l’information et de la communication (TIC), y compris dans la recherche et à l’université.

– Réviser l’acquis législatif en matière d’égalité femmes-hommes pour y incorporer clairement et définir la discrimination algorithmique.

– Collecter des ensembles de données ventilées par sexe pour mieux comprendre les phénomènes des violences sexistes et sexuelles en ligne, y compris le harcèlement, le traquage (ou “cyberstalking”), la création d’images humiliantes par le biais d’intelligences artificielles (“deepfakes”), l’incitation à la haine sexiste, l’apologie des violences sexistes et sexuelles, etc.

– Interdire explicitement toute utilisation de systèmes d’IA classant les individus à partir de données biométriques (reconnaissance faciale) par groupes en fonction de leur sexe, leur origine ethnique ou d’autres motifs de discrimination ciblés par l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

– Améliorer le niveau général d’accessibilité des institutions de l’UE, ainsi que de l’ensemble de ses bâtiments, outils et documents numériques, informations et communications, en se conformant à la législation harmonisée de l’UE en matière d’accessibilité, ainsi qu’en utilisant des formats faciles à lire, le braille, et en veillant à ce que l’UE reconnaisse toutes les langues des signes nationales de l’UE au niveau de l’UE.

Ecologie et climat.

« Les femmes sont des actrices clés du développement durable en Europe. Leur participation active est essentielle pour atteindre les objectifs de l’Agenda 2030. »

– Daciana Sârbu, ancienne Députée européenne.

Les femmes sont négativement impactées par le dérèglement climatique, et ce de manière disproportionnée. Elles sont également de puissantes agentes de changement environnemental qui doivent être pleinement impliquées dans la transition verte. La sous-représentation des femmes au sein des instances de décision climatique – tous les chefs de cabinet des quatre Directions Générales de la Commission européennes concernées par le climat sont des hommes – se traduit par des engagements faibles et non contraignants sur la promotion des droits des femmes dans le contexte du changement climatique.

RECOMMANDATIONS:

– Harmoniser au niveau de l’UE des indicateurs couvrant spécifiquement les impacts sociaux de la transition verte, y compris l’égalité des sexes et assurer la collecte obligatoire de données ventilées par sexe sur l’impact différentiel du changement climatique et des mesures associées sur les filles et les femmes.

– Améliorer la représentation des femmes aux plus hauts postes de décisions climatiques, par exemple par le biais de quotas obligatoires temporaires.

– Intégrer et renforcer l’inclusion des droits des femmes dans l’agenda politique de l’action climatique de l’UE (les travaux sur l’énergie propre, le marché vert européen, REPowerEU, etc.).

– Augmenter le financement et l’accès à des solutions climatiques sensibles aux droits des femmes, menés par des organisations féministes dans les pays hors UE.

– Prendre des mesures fortes et adéquates en faveur des femmes fragilisées par un handicap, qui sont d’autant plus impactées par le changement climatique et les perturbateurs endocriniens, qu’elles sont davantage susceptibles de vivre dans une situation de pauvreté.

Conclusion et recommandations générales.

“Les femmes doivent être présentes à tous les niveaux de décision politique européenne.”

– Ursula von der Leye, Présidente de la Commission européenne.

Une Europe féministe, c’est avant tout une Europe construite avec toutes les femmes. Il est essentiel pour atteindre une égalité pleine et entière entre toutes les femmes et les hommes, valeur fondamentale de l’Union européenne, d’adopter une approche transversale dans l’ensemble des domaines d’actions de l’UE. Cela implique notamment d’appliquer une budgétisation sensible au sexe à l’ensemble des financements délivrés par l’Union européenne et de garantir la nomination de femmes dans l’ensemble des domaines et à tous les niveaux de responsabilité et de décision des instances européennes afin d’atteindre une parité effective.

Les 6 et 9 juin 2024, la Coordination française pour le Lobby Européen des Femmes appellent chacun·e à se mobiliser dans les cadres des élections du Parlement européen pour une Union européenne féministe, juste et égalitaire !

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