Les amazones d’Avignon au procès des Violeurs de Mazan

Le collectif des amazones d’Avignon sont présentes tous les jours au procès des violeurs de Mazan, en soutien à Gisèle Pélicot. Yasmine El Jaï, membre du bureau de l’Assemblée des Femmes a recueilli les propos de Blandine Deverlanges.

Q : Qu’est-ce que les Amazones d’Avignon ? Pouvez-vous nous en parler ?
Blandine Deverlanges : Les Amazones d’Avignon, c’est un collectif féministe qui existe depuis 2020. Nous avons commencé par participer aux collages dénonçant les féminicides. À un moment, nous nous sommes éloignées de ce mouvement, car nous n’étions plus en phase avec certains tournants, notamment l’adhésion à des positions pro-pornographie et pro-prostitution.

Nous portons des valeurs féministes radicales, abolitionnistes. Nous dénonçons toutes les formes de violences sexuelles, la pédocriminalité, la gestation pour autrui (GPA), et l’exploitation misogyne des corps des femmes. Nos actions s’articulent autour de ces luttes pour sensibiliser, dénoncer, et soutenir les victimes.

Q : Quelles sont vos principales actions ?
BD : Nos premières actions étaient des collages, mais très vite, nous avons élargi nos moyens d’expression. Par exemple, nous avons peint 400 silhouettes de corps de femmes sur les derniers kilomètres menant au Mont Ventoux pour rendre hommage aux victimes.

Nous sommes aussi connues pour le « gang des statues » : nous habillons les monuments avignonnais de visuels et banderoles, sans les abîmer. Lors d’un concert de Gérard Depardieu, nous avons réalisé des chorégraphies avec des slogans dénonçant les violences faites aux femmes.

En 2024, depuis le début du procès des viols collectifs de Mazan, nous avons mené plusieurs actions marquantes : des collages, des performances chorégraphiées, des séances avec fumigènes, et des banderoles sur les remparts d’Avignon. Nous avons aussi accompagné Gisèle, la victime principale, en formant une haie d’honneur et en l’applaudissant à son arrivée et à son départ du tribunal.

Q : Pourquoi est-ce important pour vous d’être présentes au procès des viols de Mazan ?
BDs : Ce procès est emblématique de la violence masculine systémique. Les faits sont horribles, mais la manière dont le procès se déroule est aussi une violence pour la victime. Gisèle doit faire face à tous ses violeurs et leurs avocats, et est seulement accompagnée de ses avocats et parfois de ses enfants, dans une salle où le public est tenu à l’écart.

C’est aussi l’occasion de mettre en lumière la culture du viol et la déshumanisation des femmes. Tous les agresseurs avaient un point commun : leur addiction à la pornographie. Cela soulève des questions graves sur la banalisation des violences sexuelles et la fraternité masculine qui permet de telles atrocités sans remise en question.

Q : Pensez-vous que ce procès peut marquer un tournant ?
BD : Je l’espère. Ce procès illustre à quel point les violences sexuelles sont systémiques. Les aggresseurs viennent de tous horizons, exercent tous les métiers. Ce qui me frappe, c’est que sur 10 hommes approchés par les agresseurs, 7 ont accepté de participer, et aucun n’a dénoncé les faits. Ils ne voyaient même pas cela comme un crime.

Mais ce procès révèle aussi les lacunes de notre système judiciaire : l’organisation du procès culpabilise et revictimise les victimes, avec des violeurs et leurs avocats partageant parfois les mêmes files d’attente. Les axes de défense des agresseurs reposent souvent sur le harcèlement et la culpabilisation des victimes, ce qui devrait être interdit, comme au Canada.

Ce procès n’est pas seulement celui de Gisèle, c’est le procès de la violence masculine et de la culture du viol. Nous devons transformer notre système judiciaire pour mieux protéger les victimes et reconnaître leur dignité humaine.

J’ai cependant peur que cette violence masculine contre les femmes, soit vite oubliée parce que c’est bien trop violent pour agir et se regarder dans la glace.

Q : Un dernier mot pour conclure ?
BD : On ne viole pas. Point. La culture du viol c’est celle qui déshumanise les femmes, les réduit à des objets qui n’ont pas droit à la même dignité en tant qu’être humain.

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